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2022

Gwenaël Porte

Gwenaël Porte, série « Apollo », 2022

La mer renvoie toujours vers un ailleurs, vers quelque chose qui semble inatteignable. À Lannion depuis une vingtaine d’année, un mystérieux câble disparaît au fond de la mer et relie les continents sans qu’on ne le voit. Auparavant, la recherche de cet ailleurs a pris, dans les années 1960, l’apparence d’un radôme et d’un centre de télécommunication aujourd’hui quasiment démantelé. Quel est cet ailleurs que nous cache la mer ? Pendant sa résidence, Gwenaël Porte s’est intéressé aux moyens de télécommunication, à leur visibilité et à leur place dans notre quotidien. La série « Apollo » évoque à la fois la mythologie, une mission spatiale, et un câble au fond de l’océan qui relie la ville de Manasquan, aux États-Unis, à Lannion. Il ne s’agissait pas de faire un documentaire ou un état des lieux objectif sur ce qu’il reste des réseaux de télécommunication à Lannion, mais au contraire d’interroger notre regard sur ce vers quoi ils nous relient.

Mais que reste-t-il, dès lors que ce flux devient invisible, des images de corps qu’il transporte d’un bout à l’autre de l’océan ?

Gwenaël Porte, série « Apollo », 2022

La résidence a aussi été l’occasion de la création d’une autre série, intitulée « Phantom », qui présente une collection de captures d’écran de l’application de rencontres gay Grindr. À partir de photographies géolocalisées à Manasquan, ville reliée à Lannion par le câble Apollo South, il était question d’explorer l’uniformisation et la répétition des images qui se manifestent sur cette plateforme de rencontres en ligne. Ainsi, ces corps sans identité (les visages n’y apparaissent quasiment jamais) deviennent interchangeables. Les gestes et les cadrages se répètent à l’infini. Ces hommes deviennent ainsi seulement des corps répondant la plupart du temps aux mêmes critères esthétiques, aux mêmes canons de beauté. L’aspect fantomatique de ces silhouettes est renforcé par l’utilisation de l’aluminum brossé comme support pour les images. Les corps semblent ainsi se fondre dans cette surface métallique, devenant insaisissables, tels des apparitions fugaces, des images impossibles rejouant par ailleurs la virtualité de leur apparition originelle. Ces corps sont alors autant des sujets de désir que des images fantomatiques qui peuplent ces réseaux, le titre de la série, « Phantom », évoquant d’ailleurs autant des images spectrales impossibles à saisir que l’idée du fantasme avec laquelle il partage la même étymologie.


Gwenaël Porte, Phantom, tirages sur aluminium brossé, 20 × 20 cm, 2022-2023

Calendrier

– 16-21 janvier 2022 : semaine de repérage à Lannion
– 16 mars-05 avril 2022 : phase de documentation, rencontres, premières prises de vue
– 04-25 mai 2022 : suite des rencontres et des prises de vue
– 12 mai 2022 : rencontre publique à L’Imagerie
– 17-18 septembre 2022 : exposition de restitution pendant les Journées européennes du patrimoine au Manoir de Trorozec
– 23 septembre – 09 octobre 2023 : présentation de la série réalisée à Lannion dans le cadre du festival L’Image satellite à Nice

Gwenaël Porte, série « Apollo », 2022

Biographie

Gwenaël Porte, série « Apollo », 2022

Gwenaël Porte est né en 1993, il a suivi des études cinématographiques à Montpellier et Paris, a participé à la création de la revue de cinéma La Septième Obsession en 2015. Il est diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2019. L’année suivante, il cofonde la revue La nuit. et codirige la collection « Penser, décider, agir » aux éditions Belopolie, dont il signe l’identité visuelle. Son travail porte sur le vide et l’impossibilité de voir. Il déplace les images selon une matrice, un système d’apparition des images qui demeurent toujours aussi instables, imparfaites, manquantes ou vides. Ses sources peuvent être littéraires, photographiques ou cinématographiques, mais chaque fois il cherche à ce que le spectateur se retrouve face à une impossibilité de saisir cette chose qui échappe et reste à l’état de désir.