Carton de l’exposition de Catherine Le Goff, Pêche en mots salés, 2015
« Sylvain l’inquiet, Jean-Marc le taiseux, Philippe l’Absent, Roger l’infatigable, Thierry le solitaire, Job Drezen…Tous, ont été saisis sur l’instant. A bien y regarder, on voit aussi quelques morts vivants, des silhouettes massives pourtant proche de l’évanouissement, du naufrage. Leurs bras sont des filets qui s’allongent à l’infini dans les eaux froides et qu’il faut remonter au prix d’efforts surhumains. Leurs jambes fondues dans la coque grinçante fendent les flots, leurs pieds dérivent quelques mètres en dessous. Par grand vent, leurs cheveux claquent. Ils sont là, aussi présents que le sel, que la terre, le feu et la force trilogique du Triskel. Ils sont là, force de la nature, conquérants du quotidien. Ils sont là, par choix ou de par leur naissance. Parce qu’ils sont de Tréffiagiat, de Dinard ou de Quiberon, ils ne se sont pas posés de question. Leurs âmes, elles, sont ailleurs.
Catherine Le Goff a partagé leurs ponts, leurs quarts, leur sommeil et l’odeur lourde du diesel pour rendre témoignage. Elle a scruté ces visages derrière les vitres sales des cabines ou à travers les mailles qui ne retiennent pas seulement les poissons. Elle a capturé ces ombres fugaces qui pourraient très bien être celles des terres-neuvas ou des pirates. Ne voyez-vous pas flotter le pavillon noir ? Pavillon noir, sombre présage, pour annoncer la fin de ces départs en mer. Plus de poisson, plus de travail. Bientôt, les bateaux resteront mourir au port. Les marins, eux, continueront à flotter au-dessus des eaux. »
Débora Fiori
Ce travail sur la pêche artisanale de la photo-journaliste finistérienne sera accompagné de textes d’écrivains et d’auteurs très divers : Irène Frain, Patrick Poivre d’Arvor, Alain Souchon… Chacun d’entre eux s’est inspiré d’une photo pour cette confrontation texte-image.
Catherine Le Goff a débuté sa carrière de photographe suite à un voyage en Inde. Puis des collaborations photographiques avec des agences de presse, des magazines nationaux et régionaux s’ajoutent à ses travaux personnels : « Devantures- sex-shops parisiens », « Figures des halles du Boulingrin de Reims » (portraits de commerçants ambulants, édition d’un livre), « Pêche en mots salés » (livre) qui allie photographie et littérature…