La nature s’est imposée à leur regard, a investi leur oeuvre. Au fil des décennies, les enfants de Talbot et de son « Pencil of Nature » se sont multipliés mais certains, à l’heure d’un monde universellement pixellisé, savent encore nous éblouir et nous émouvoir par la simple observation de quelques centimètres carrés de jardin, de quelques grammes de fruits, d’un sous-bois ou d’une montagne, d’une poignée de terre ou d’un roc éternel.
Denis Brihat alchimiste de la chambre noire « saupoudre » d’or et de cuivre de riches tirages aux sels d’argent. Dans la magie du laboratoire, il nous offre, depuis plus d’un demi-siècle, une nature aux couleurs réinventées. Chez lui, fleurs et fruits reprennent vie au rythme lent du bain métallique de ses virages, images précieuses et uniques, toutes de patience.
Petites perles de nature également chez l’artiste nantaise Annette Lamoulie qui les regroupe et les assemble en rondes légères et colorées, témoignages subtils de l’éphémère.
Remettant sans cesse en cause ses connaissances, toujours soucieuse du haut de ses quatre vingt six printemps, d’explorer les mille et une techniques du laboratoire photographique, Marie-Louise Bréhant remonte le temps dans ses sous-bois « bichromatés » Sobriété et monochromie de la terre…Quoi de plus naturel, quoi de plus triste aussi qu’une poignée de terre, petit tas de poussière qui emporte au fil du vent et au fil de l’histoire le souvenir de milliers de vies fauchées dans la promesse de l’enfance ou la pleine force de l’âge adulte, corps criblés d’une pluie de mitraille venue du ciel tombant sur les rizières et les plaines du Vietnam… poignée de terre, portrait de terre, qui renaît d’un nom chargé de toute l’émotion du monde (Diên Biên Phu, My Lai…) poignée de terre qui revit aujourd’hui dans l’éclat blanc du studio de Liza Nguyen partie sur les traces d’un pays inconnu, celui du père.
Quoi de plus naturel aussi que le roc, immuable lui, venu du fond des temps. Jean-Marc Dellac, au plus près d’ici, sur une côte de granit rose parcourue chaque été par des milliers de promeneurs à l’oeil, ébloui par la magnificence des lieux, a su s’arrêter et voir dans ses masses étonnantes, la magie d’un sombre bestiaire suggéré d’un noir intense sur le gris charbonneux d’un ciel de soir d’été.
Perdue dans la nature, comme écrasée, emplie d’elle, l’artiste est seule, à la recherche de sa propre identité… « Sensation d’être face à la nature première » que procurent encore certaines régions du monde, et la Finlande d’Elina Brotherus en fait partie … A perte de vue, personne: vous pouvez vous laisser envahir par la beauté originelle du monde, l’artiste lui fait face, se love en son sein d’un sommeil quasi-définitif.
Clin d’oeil lancinant enfin au cycle répétitif de la vie, le super 8 de Thierry Froger capte la femme-sirène qui surgit de l’eau, matrice de toute existence.
Denis Brihat:
« Certains photographes sont de la race des chasseurs (abondamment décrite) ; Denis Brihat, quant à lui, appartient à la tribu pacifique des cueilleurs. En philosophe pratique, il a, jeune encore, décidé de cultiver son jardin. En poète de l’image, il a célébré la beauté du monde en taillant un bon nombre de blasons à la louange des nourritures délectables dont celui-ci nous comble : fleurs et fruits, légumes, arbres et quelques spécimens moins domestiques du règne végétal — qui lui a semblé résumer toutes les richesses dont la nature fait, à profusion, le bonheur des hommes. C’est qu’il a vu le monde de son jardin ou, lorsqu’il a parcouru le monde, qu’il fut porté par la rêverie d’un jardinier serein.
Sa maîtrise de l’art photographique l’a doté d’un regard par lequel l’essentiel (la lumière, en noir et blanc) s’est constamment approfondi, jusque dans l’enrichissement de ses tirages par des virages métalliques (or, cuivre, sélénium…) dont la cristallisation nous révèle la couleur de la lumière — qui est bien plus que la couleur des choses. Par ce dépouillement, il a atteint à une sobriété qui le garde de toute mièvrerie, et tient à distance l’anecdote potagère.
On peut parier que ses images seraient, pour beaucoup, devenues des icônes s’il n’avait par une humilité personnelle qui est bien en rapport avec la noble simplicité des sujets qui l’occupent — lutté contre son statut d’artiste en revendiquant celui d’homme de métier. Néanmoins, son travail est une oeuvre, unique, singulière, qui dit beaucoup sans le moindre discours. »
(Georges Monti)
Le Temps qu’il fait
Si en 1965, il présente au Musée des Arts Décoratifs de Paris une de ses premières grandes expositions dans laquelle sont montrés des « tableaux photographiques », il a déjà derrière lui une vie photographique bien remplie commencée au début des années 50.
Architecture, portrait, industrie, reportages divers (il fait partie de l’agence Rapho) ; il reçoit le Prix Niepce en 1956 pour son travail d’illustration réalisé en Inde (1955-56). Il décide peu après son retour de ne se consacrer qu’à la traduction des beautés infinies de la nature — cette nature qui est depuis lors le centre de toute son oeuvre — s’installe donc en Provence et ose prétendre dès ces années-là vivre de la vente de ses photographies et de l’édition de portfolios en tirages originaux
(Le Citron recevra la mention du Prix Nadar en 1966).
Sa dernière exposition au Pavillon Vendôme (Aix-en-Provence) à l’automne 2005 a été accompagnée d’un livre Le jardin du monde, paru aux éditions Le Temps qu’il fait.
Il est représenté en France par la Galerie Camera Obscura — Paris.
Annette Lamoulie:
« D’après nature »
« Karl Blossfeldt, au début du xxe siècle, concevait ses photographies botaniques comme les termes d’une documentation utile au développement des idéaux naturalistes de ‘art nouveau. Ses albums présentaient des modèles à destination d’une activité humaine, créatrice de nouvelles formes. L’image de la plante valait pour les qualités décoratives qu’elle suggérait et pour le potentiel mimétique que l’homme pouvait en extraire.
Si Annette Lamoulie adopte dans ses photographies une forme documentaire, son propos se distingue nettement de la vision du photographe allemand.
Son travail se nourrit d’un rapport intime avec les plantes, qu’elle glane au fil de rencontres et en fonction des saisons. Ses récoltes ont une apparence fragile, des formes élémentaires, aucune caractéristique remarquable. Elle parcourt la nature, les jardins, sélectionne une graine, un fruit ou une fleur, en recueille plusieurs exemplaires et les dispose ensuite sur une surface blanche pour les photographier. Nous savons d’emblée qu’il ne sera pas question de milieu naturel, sauvage ou paysager ; au lieu du décor luxuriant et enchevêtré que l’on associe spontanément à l’univers végétal, nous voilà face à des séries de spécimens agencés en des ballets silencieux et photographiés sans artifice.
Or ces danses secrètes donnent son sens au projet de l’artiste, et reflètent le trouble qui nous saisit face au mystère que constitue pour nous le mode de vie des plantes.
Le déplacement de milieu — de la nature au studio — se traduit par une mise à nu de ces substances originelles, et s’accompagne d’une perte d’échelle et de repères. Les plantes endossent des caractères de matières et de formes qui les éloignent de l’imagerie traditionnelle du milieu végétal, comme ces hibiscus qui se parent de robes de soie fripées pour entrer en conversation, ou ces bourgeons de magnolia, avec leurs ailes recouvertes de poils, qui semblent prêts à s’animer. L’agencement des éléments, tous identiques, nous incline également vers des références anthropomorphiques. Les graines d’if sont alignées pour un défilé, les fleurs d’acanthe sont présentées en ordre de bataille, c’est toujours un mouvement énergique, circulaire ou rayonnant, qui anime les figures nées de l’ordonnancement des végétaux, et c’est à travers cette dynamique que l’auteur interroge sa fascination pour les plantes.
Ces compositions abstraites révèlent ainsi notre difficulté à appréhender le règne végétal dans sa propre cadence, en-dehors du modèle humain ou animal.
La plante, elle, ne remue pas, ne produit pas de sons. Silencieuse, vissée en terre, elle est l’altérité même, l’énigme d’une présence inapprivoisable ; son immobilité et son mutisme nous font oublier qu’elle est un être vivant. »
(Olivier Belon)
Diplômée de l’École Nationale de la Photographie d’Arles, Annette Lamoulie (Nantes) a, depuis plusieurs années, centré son travail photographique sur le végétal. Elle a exposé au Museum d’Histoire Naturelle de Nantes, à la galerie Le Lieu de Lorient et participé au Mai de la Photo de Reims, aux Rencontres Photographiques d’Orthez, de Langon.
Marie-Louise Bréhant:
« Cela fait près de 40 ans que Marie-Louise Bréhant pratique la photographie. Elle fit ses débuts en amateur à la Maison des Jeunes et de la Culture de Saint Herblain, où pendant de nombreuses années, ses ateliers attirèrent enfants, adolescents et adultes. « J’ai grandi avec eux » dit-elle .
En 2000, Onyx, l’Espace Culturel de Saint-Herblain l’honora d’une grande exposition rétrospective, où elle montra toute l’étendue de son savoir-faire.
Elle fêtait ainsi ses 80 ans!
Depuis le temps qu’elle navigue dans le milieu de la photographie, Marie-Louise Bréhant est connue partout pour la qualité de ses productions, qui lui ont valu de nombreux prix et distinctions dans les multiples concours et expositions auxquels elle a participé. Elle aurait pu se contenter de ses titres de gloire et continuer à nous livrer de belles images, mais elle est assoiffée de connaissance et a voulu pénétrer les arcanes de son art avant que la chimie et les techniques n’en fondent universellement les règles. Elle a compulsé de nombreux ouvrages, elle a éprouvé des formules oubliées, elle a retrouvé des secrets de laboratoire… J’ai renoncé à comprendre ce que sont des chimigrammes, des palladiums, des gum-oïl, etc…
Marie-Louise Bréhant a poussé si loin les limites de sa quête alchimique que certains mauvais esprits affirment qu’elle est possédée par le démon de la photographie. Je prétends au contraire qu’un ange veille depuis longtemps sur elle, car il faut avoir une bonne dose de foi pour entreprendre de fixer la matière insaisissable de la lumière et oser maîtriser les moments magiques de la « révélation ». Il y a quelque chose de profondément paradoxal dans l’aventure de Marie-Louise Bréhant : non seulement elle confère, sans pasticher, à des réalisations d’aujourd’hui, le charme d’un autre âge mais, de plus, sa recherche passionnée des procédés anciens l’a conduite à se poser les plus fondamentales questions sur la naissance et le sens des images.
Il est en effet difficile d’exprimer plus avant la quintessence de la photographie : une tache de lumière !
Marie-Louise Bréhant s’inscrit entièrement ici dans le champ des interrogations plastiques contemporaines. En cela elle appartient pleinement à son temps et il ne faut pas s’étonner de la voir maintenant s’emparer des possibilités nouvelles que lui offre la technologie actuelle. Désormais, c’est à l’aide d’un scanner et d’un ordinateur qu’elle invente son monde. Elle se livre à cet exercice avec une apparente facilité, une maîtrise technique, qui résultent d’une longue pratique de la photographie ainsi que d’une constante méditation sur le mystère de la Création. »
(Vincent Rousseau)
Marie-Louise Bréhant vit près de Nantes où elle est née en 1920. Membre très actif des associations APA (Association pour la Photographie Ancienne) et Hélios, elle s’est adonnée pendant près de 40 ans à la représentation de la nature au moyen de techniques anciennes et de procédés alternatifs de tirage. Nombreuses expositions en France ; en décembre 2006 rétrospective à la Galerie Photographique de Montpellier.
Liza Nguyen:
« Vietnam: photographies et éthique du souvenir »
« … Au Vietnam le souvenir de la guerre n’est à l’échelle ni d’un musée ni d’un mémorial mais à celle d’une nation. Alors Liza Nguyen part dans un pays familier (celui de son père) dans lequel elle n’a pas grandi et dont elle est étrangère. Comment faire le deuil d’une histoire et d’un pays que l’on n’a pas connu ? Sa question devient la nôtre, celle que pose toute mémoire : comment prétendre commémorer une histoire encore présente ? En réponse, ses photographies proposent une cartographie de la mémoire qui reproduit celle de la guerre : du nord-est (Hanoi, Haiphong, Cat Ba, Phu To), nord-ouest (Diên Biên Phu), centre-nord (Vinh), au centre (Da Nang, Huê, DMZ, Quang Tri, Khe Shan, Doc Mieu, Cua Tung), jusqu’au sud (My Lai — un des villages désignés comme « free-killing zone » où toute la population a été massacrée —, Kontum, Dak To, Saigon, Cu-Chi, Tay Ninh). De ces lieux, ses photographies ne donnent à voir que de la terre. Autant d’images manquantes. « Surface », dit la photographe, représente une poignée de terre emportée comme souvenir sur des lieux de mémoires, des sols chargés d’histoire sur lesquels ont combattu des Français et des Américains. Une terre indexée à l’histoire, à des corps devenus poussière ». Du nord au sud du pays, dix-neuf poignées ramassées, emportées, mises à plat puis photographiées.
Une terre déracinée qui porte son propre exil, celui d’un arrachement à la vie.
Des éparpillements de terres recomposées, des couleurs, qui toutes, portent une absence qui nous regarde. Cette insoutenable disparition fait resurgir l’histoire. L’absence de corps végétal invite à recouvrir ces surfaces laissées vides, prises dans une photographie. Des lieux d’offensives aux villes détruites ne restent qu’une terre transformée en cendres, terre brûlée de la zone démilitarisée du 17ème parallèle (DMZ), terre contaminée par la dioxine où la végétation peine à revivre. Il faut recouvrir l’image, revenir sur les lieux.
L’itinéraire de la photographe reprend celui des bombardements meurtriers et des déversements d’herbicides sur le territoire du Vietnam. Ces herbicides, baptisés cyniquement des noms des bandes de couleurs apposées sur les barils, taisent leurs identités chimiques et les ravages qu’ils ont produit : agent orange, blanc, bleu, rose, vert et violet. Ce qui devait servir à défolier les forêts pour découvrir les installations de la guérilla vietnamienne et à éliminer leurs récoltes s’est transformé en arme de destruction massive. La dioxine présente dans plus de deux tiers des herbicides utilisés s’est déversée sur des milliers d’hectares du centre au sud du pays. »
(Octave Debary)
Née en France, elle vit entre Paris et Düsseldorf où elle suit l’atelier de Thomas Ruff. Son travail explore les questions de la représentation, de la mémoire et de l’esthétique : comment représenter le passé, comment se construit la mémoire dans le présent et quel lien développer entre l’esthétique et l’éthique ? Souvenirs du Vietnam a été exposé en Europe, au Canada et aux États-Unis.
Liza Nguyen a reçu le Prix Fnac de la Photographie et le Prix de la Biennale Internationale d’Art de Lulea en Suède en 2005.
Jean-Marc Dellac:
« Noir. Photographier le noir, cette gomme de lumière, ce buvard de clarté, ce dévoreur de photons. Comme un soleil inversé, un miroir sans image.
S’immerger dans cette couleur sans couleur. Faire l’éloge de ce blanc d’ébène, vertige éclatant, aux limites de la non-image.
Le noir, cette absence de lumière et en même temps son révélateur.
Le support, je l’ai trouvé dans les rochers de Ploumanach qui daignaient enfin, après de longues années de résistance, se faufiler dans l’obturateur de mon Rolleiflex, ne m’offrant que leur étrange et imposante masse, effaçant du coup leur peau graniteuse de pachyderme pour mieux révéler les profondeurs insondables du noir. »
(Jean-Marc Dellac)
Né en 1953, Jean Marc Dellac vit dans la région parisienne. Tout a commencé en 1974 par une rencontre déterminante avec Jean Dieuzaide dans le cadre des Rencontres d’Arles, suivie quelques années plus tard d’une autre rencontre importante avec John Batho.
Il a abordé différents thèmes dont le livre, la danse, la nature, le reportage… Expositions à Laon, Massy (opéra), Quimper, Fnac, Galerie Pôl’Art, Stade de France…
Il a publié Éloge du livre en collaboration avec Kenneth White (éditions La Barbacane),
Architecture et Grands Travaux (éditions Vis à Vis).
Elina Brothérus:
« The New Painting »
« Dans ma série « The new Painting » réalisée entre 2000 et 2004, je m’inspire et fait référence à la peinture figurative classique, bien que j’utilise des moyens d’expression contemporains (la photographie en couleur grand format). Ayec l’appareil-photo, j’essaie d’approcher les mêmes problématiques que les peintres : la lumière, la couleur, la composition, les personnages dans l’espace, le passage de trois à deux dimensions. Ces questions sont pour moi fondamentales dans tout art visuel.
Je suis souvent mon propre modèle… même si ces travaux échappent au problème inhérent à tout autoportrait : la difficulté de se représenter soi même.
La personne sur l’image est un modèle, au sens strict du mot tel qu’utilisé par les peintres au fil des siècles.
Les couleurs d’un tirage photographique ne sont pas acquises à la vue du négatif. Les possibilités de création du laboratoire sont immenses. Décider de la couleur du ciel est tout aussi arbitraire que de choisir ses pigments pour la peinture à l’huile. Ceci fut pour moi une révélation quand je travaillais sur la série « The New Painting ». On garde en tête vaguement le souvenir du lieu de prise de vues mais le choix doit être fait par l’artiste lors du tirage. C’est pourquoi j’ai commencé à prendre des notes à la manière de Bonnard, afin de me souvenir à quoi les choses ressemblaient.
La photographie, à la différence de la peinture, a un lien direct avec la réalité.
C’est à la fois ce qui fait son charme et sa difficulté. Les gens ont tendance à considérer les photographies comme des documents : qui est-ce ? où est-ce ?
Je préférerais qu’on attache plus d’importance, non seulement au sujet lui-même, mais à la manière dont il est montré quels sont les choix visuels de l’artiste ? Comment a-t-il (ou elle) résolu certains problèmes ? Comment l’image est elle composée ? Quelle ambiance traduit-elle ? Les couleurs s’accordent-elles ? Comment l’oeuvre influence t’elle ses spectateurs ? »
(Elina Brothérus)
Elina Brothérus (1972) pratique la photographie et la vidéo. Diplômée de l’Université d’Art et de Design d’Helsinki, elle vit en France et en Finlande.
Parmi ses expositions personnelles récentes on peut citer : le Musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône, le Musée de la Photographie de Finlande (2006) ; le Centre d’Art Contemporain de Tarragone, le FRAC Haute-Normandie à Rouen (2005) ; le Centre Photographique de Copenhague, le château d’Eau de Toulouse (2004)…
Thierry Froger:
Le travail de Thierry Froger est principalement constitué mais pas uniquement d’installations avec projections : diapositive, vidéo, super-8.
Au coeur de ce travail, ce dispositif de projection est questionné et décliné matériellement et symboliquement, comme un transport des images : transport de l’image d’une source lumineuse à un écran (drap, objet, corps) qui la révèle ou la brouille, la modifie ou l’annule, et transport des images dans l’histoire des signes iconiques (greffes, échos, substitutions, réminiscences) à l’âge médiatique qui les rend d’autant plus fragiles qu’elles prolifèrent.
Traversant autant l’histoire de la peinture que celle du cinéma et de la photographie, le projet de Thierry Froger s’attache ainsi à interroger les images et les corps — la pellicule et la peau — à travers leur capacité d’apparition et de disparition suaires, revenants, figures et monstres, décapités, Vénus, icônes, pin-up, ombres douces, écorchés, fantasmes, mues et filigranes, momies… Des fantômes.
La pièce présentée à L’Imagerie est une nouvelle version, reformulée, de La petite baigneuse faisant partie de la série « Paysages » créée en 1998-99. La petite baigneuse est composée du plan fixe d’un paysage de Loire projeté en vidéo (transfert d’une boucle super-8) sur une toile où a été peint ce même paysage (chaque élément — sable, berge, rivière se projetant exactement sur son image en peinture).
Seule une figure ne s’agrège pas à la représentation : une jeune femme jaillit de l’eau à intervalles réguliers avant de s’y enfoncer de nouveau. Le corps du spectateur, par son déplacement entre la toile et le projecteur, fait disparaître l’apparition de la baigneuse, mais non le paysage, toujours visible sur l’écran-toile qui semble avoir gardé la trace en peinture de la projection.
Thierry Froger est né en 1973 à Angers. Il a suivi ses études à l’école des Beaux-Arts de Nantes de 1991 à 1996 puis en 1998-1999 comme pensionnaire du post-diplôme international. Il expose depuis régulièrement en France et à l’étranger, à l’occasion de résidences (Centre d’art contemporain de Pontmain en 2005, La Chambre blanche à Québec en 2002) ou dans divers lieux institutionnels ou privés.
Vues de l’exposition