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13.10 - 24.11.2007

L’Aventure orientale.
La photographie à travers
les grands ateliers
du Proche-Orient
et du Maghreb
entre 1854 et 1914

Carton de l’exposition L'Aventure orientale. La photographie à travers les grands ateliers du Proche-Orient et du Maghreb entre 1854 et 1914 , 2007

Avec plus de deux cent cinquante tirages originaux d’époque, cette exposition est la plus importante et la plus riche à ce jour consacrée à ce thème spécifique, c’est-à-dire aux photographes résidents, artistes et/ou commerçants, ayant exercé au Maghreb et au Proche- Orient au 19e siècle. (l’exposition couvre la période 1854/1914).

Les grands noms, parmi d’autres sont présents, pour le Proche-Orient : Pascal Sebah, les frères Abdullah, Guillaume Berggren, Félix Bonfils, Henri Béchard, Hippolite Arnoux, les frères Zangaki, et pour le Maghreb : Garrigues, Jean Geiser, Soler, Alexandre Leroux, Marcellin Flandrin et Rudolf Lehnert.

En marge des grands courants photographiques et de l’évolution technique considérable qui a eu lieu entre les années soixante et quatre-vingts du XIXe siècle, la photographie au Moyen-Orient, si elle ne fait pas bouger de façon notable la technique, fait, à l’inverse, évoluer considérablement la vision des photographes et de leur public. Elle ouvre sur une pratique documentaire intense et sur les possibilités d’une approche artistique directe et consciente d’elle-même, mettant en jeu le regard même du praticien et sa position face au réel.
En effet, à partir de la guerre de Crimée (1856) et jusqu’à l’invasion de l’Égypte par les troupes anglaises (1882), et pratiquement jusqu’à la guerre de 1914 pour le Maghreb, la photographie accompagne et illustre l’évolution du capitalisme et de la bourgeoisie internationale, débouchant, dans la dernière décennie du siècle, sur une vision proprement colonialiste des plus révélatrice et qu’on retrouvera, bien entendu, au Maghreb avec l’ambiguïté que l’on sait.
C’est aussi à travers la photographie européenne au Proche-Orient que l’Occident moderne a renoué véritablement, pour la première fois, avec ses origines culturelles et religieuses. Il s’est ouvert, pour le meilleur, à une autre perception du monde qui va traverser et bouleverser tout l’art du XXe siècle et, pour le pire, s’est trouvé un ancrage (et une justification) pour conquérir et dominer l’essentiel de l’ancien Empire Ottoman, de la Syrie au Maroc en passant par l’Égypte, la Palestine et l’Algérie. Mais c’est aussi, depuis les photographes accompagnant les premiers corps expéditionnaires jusqu’aux bien connus Lehnert & Landrock à Tunis, à travers cette même photographie, que s’est manifestée la passion authentique de certains occidentaux pour ces pays, leur civilisation et leurs peuples, cet étrange miroir de l’Occident qu’ils ont ainsi constitué et qui continue de nous fasciner et de poser problème.

«Photographie et rêve de l’autre.
C’est dans ce contexte colonial que se lit l’évolution de nos photographes : l’évolution du temps qui change le regard, mais aussi la position personnelle, l’homme dans l’Empire, qui se déplace et, déjà, déplace avec lui son appareil, sa technologie. L’homme face à l’Empire et tout ce qui les compose et les décompose l’un et l’autre, peut-être parallèlement, qui se signe dans la duplicité de l’espace, son faux redoublement dans le différent des images.
Les photographies d’un Bonfils, d’un Sebah, d’un Béchard, d’un Geiser ou, surtout, d’un Lehnert, mais aussi avant eux d’un Moulin et sans parler d’Amoux, lorsqu’il s’agit de personnages, sont, la plupart du temps, complètement mises en scènes et fabriquées. Même lorsqu’elles prétendent à une certaine objectivité ethnologique, il y a pourtant dans ces scènes, si convenues parfois, quelque chose qui passe, à la fois du regard occidental (les poses tellement picturales de Béchard, par exemple, ou les « tableaux vivants de Lehnert) et de l’âme orientale aussi diverse soit-elle. Sans préjuger de leur éventuelle rencontre dont nous ne savons malheureusement que dire ici. Il y a aussi, dans ces images, plutôt qu’une certaine vision coloniale que certains persistent à y voir, une poésie toujours subtilement présente, peut-être celle de l’exil, une sorte de mélancolie qu’on prend à tort, parfois, pour de la nostalgie, et un intérêt sincère pour qui est là, devant l’objectif et si lointain pourtant. Ce différent inconnu et qui semble plus vrai, plus justement humain, peut-être parce qu’on le sent non pas prélevé (et forcément annulé), mais restitué : cette dimension de l’Autre…»

(extrait du livre « L’Aventure orientale » publié à l’occasion de l’exposition)
éditions « d’une certaine manière »

Cet ensemble a été réuni par Alain Fleig, collectionneur et historien d’art (qui a également donné une conférence sur ce thème) et l’exposition a été présentée en collaboration avec l’association « Captures » de Royan .