Carton de l’exposition 2e Festival photographique du Trégor, 1980
A la limite des Côtes du Nord, près du Finistère, dans un pays célèbre par son littoral de granit rose, hélas pollué à trois reprises par la marée noire, au Pays du Trégor pour l’appeler par son nom, s’est déroulé, pour la deuxième fois cette année, un sympathique Festival Photographique.
Une petite équipe de photographes amateurs et professionnels, animée par Jean Bichet et Michel Viala, a voulu prouver que la photographie pouvait avoir un impact en province.. Leur objectif était double, montrer à leurs concitoyens les travaux des photographes exposés plus souvent dans les métropoles que dans les petites villes et permettre à des photographes, qu’ils soient amateurs ou professionnels de bénéficier de l’expérience de photographes de renommée internationale.
Ces activités ne veulent pas être réservées à une élite aux revenus élevés. Au contraire, les organisateurs, avec l’aide des municipalités de Lannion et de Perros-Guirec, ont orienté leur effort vers les jeunes de Bretagne. C’est peut-être là leur seul échec. Le succès du premier festival leur a valu une réputation de bouche à oreille qui a attiré des gens de toute la France. Mais les Trégorois ont compris l’intérêt de ce festival puisqu’ils ont accouru nombreux voir les expositions, participer aux stages et aux soirées-débats.
Nous y avons rencontré aussi de nombreux photographes bretons qui défendaient avec vigueur l’importance de la photographie régionale. Si l’an passé nous avons remarqué la présence du groupe professionnel Selitt, cette année, le soutien d’un groupe informel de photographes bretons (Dussault, Menant, Rabot, Viala …) a apporté beaucoup de chaleur et d’amitié à ce festival.
En 1979, le Festival était centré sur la photographie de reportage avec Guy Le Querrec, Willy Ronis,… Toutefois Denys Stock avait apporté le point de vue du coloriste avec sa créativité au service de l’écologie.
En 1980, deux tendances s’entrecroisaient ; les coloristes étaient les plus nombreux avec Hidalgo, Bichet, Phelippot et Image Bank, avec son exposition « Les enfants du monde ».
Les représentants du Noir et Blanc : Claude Raymond Dityvon, Michel Kempf et Hervé Rabot … attachent moins d’importance au sujet qu’à la sensation ressentie lors de la prise de vue. Le vrai sujet impalpable est cette sensation qu’ils essaient de saisir. Allant vers leur démarche, on trouve Hidalgo et Bichet qui considèrent que le sujet n’a pas d’importance pourvu qu’il donne quelque chose d’intéressant.
La photographie bretonne était représentée par Bichet, Le Coniat, Guillaume, Lechuer, Bonnot, Rabot…
Plusieurs soirées- rencontres ont permis de fructueux échanges entre les photographes et le public.
Michel Kempf présenta une rétrospective partielle de ses travaux. Tout en s’interdisant toute interprétation à la prise de vue, il fait oeuvre de création qu’il rend plus évidente par des tirages grandioses qui donnent souvent une sensation tactile à ses images. Elles traduisent avec une extrême précision la texture des choses; elles ont un grand rendu de netteté. Michel Kempf n’est pas un photographe de l’instant vu, du flagrant délit, par contre, il fait passer dans ses photographies sa sensibilité, son émotion, voire sa tendresse face à des sujets qui, souvent, sont entrain de disparaitre, ou même ont disparu depuis ses prises de vue.
Au cours de cette même séance, Michel Kempf présenta des photos du grand photographe Sudek et fit projeter un film montrant cet artiste tchèque travaillant. Ce furent des instants émouvants pour tous les spectateurs.
Hidalgo au cours de la soirée qui lui était consacrée, nous transmit les émotions qu’il avait ressenties au cours de ses voyages dans plusieurs villes du monde. Au cours des débats, Hidalgo, qui commença sa vie professionnelle dans le dessin, indiqua que, pour lui, la photo est un moyen d’expression contemporain car il va vite et peut être vu par un grand nombre de gens.
Le jour suivant, Claude Raymond Dityvon nous projeta son premier film sur banc titre, réalisé à partir de son travail sur, les immigrés. Hélas, le banc titre atténue la personnalité du travail pour ne laisser apparaitre que le sujet. Ce que chacun regretta, car les autres photos présentées par Claude Raymond Dityvon nous ont montré son attrait pour le mouvement, les situations d’attente ou de déséquilibre. Il s’intéresse aux gens lorsqu’ils sont dans le désordre et par sa prise de vue il les organise entre eux.
Claude Raymond Dityvon indiqua que le photojournalisme dont il est issu ne le satisfait plus. Il voudrait que la photographie aille vers d’autres chemins, vers d’autres formes d’utilisation.. Un de ses projets actuels est de faire le portrait d’une région avec d’autres artistes en utilisant, outre la photographie, la vidéo, la sérigraphie. et en présentant les résultats dans la rue, dans un lieu très vaste où les dimensions de ces oeuvres ne seraient pas limitées.
Il y a eu aussi les stages animés par Dityvon, Hidalgo et Kempf. Pour chacun, le nombre des stagiaires a été volontairement limité à 10. Les animateurs ont pu ainsi s’occuper de leurs stagiaires individuellement et les aider à progresser dans la maitrise du medium photographique.
Leurs conseils peuvent peut-être se résumer ainsi :
pour Claude Raymond Dityvon : apprenez à regarder et à organiser l’espace.
pour Francisco Hidalgo : suggérez plutôt que de montrer.
pour Michel Kempf : cherchez la qualité en adoptant une méthode rigoureuse de travail.
Ce furent au total 15 jours passionnants pour les amoureux de la photographie. Nous espérons que les organisateurs poursuivront leur travail l’an prochain et nous procureront un plaisir semblable.