imagerie

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Battaglia Letizia
Quartiere Cala. La bambina con il pallone. Palermo
série « Chroniques siciliennes »
1980

40,3 × 30,4 cm
tirage noir et blanc argentique

1998
achat à l’artiste
inv. 1998.5.1
© Archivio Letizia Battaglia

 

Après une première expérience de journaliste au sein du quotidien L’Ora où elle mène des enquêtes sur la mafia sicilienne, Letizia Battaglia se consacre pleinement à la photographie à partir de 1974. Tout au long de sa vie, elle n’a cessé de documenter avec son compagnon Franco Zecchin la vie quotidienne en Sicile. Devenue au fil du temps un symbole de la lutte contre la mafia, elle a construit une véritable « archive de sang » des crimes commis par la Cosa Nostra pendant près de vingt années, de 1974 à 1992. La pratique de la photographie a toujours été, pour elle, un acte militant et politique, destiné à briser la loi du silence protégeant la mafia, ainsi qu’elle le revendiquait : « la photographie est devenue un moyen de m’exprimer, de ne pas être seule1. » Courageuse et obstinée, Letizia Battaglia s’est engagée à rendre visible la vie de ceux à qui on ne donnait pas la parole, notamment les femmes et les enfants, qui sont aussi les victimes collatérales de ce conflit sanglant ayant opposé la mafia à l’État.

Les photographies en noir et blanc de la série « Chroniques siciliennes » rassemblent des portraits de femmes et d’enfants photographiés dans les ruelles de Palerme, entre la fin des années 1970 et le début de la décennie 19902. Elles dépeignent une ville sombre gangrenée par la misère sociale. Sur un des clichés, on découvre une mère, visiblement épuisée, dans un intérieur en piteux état, entourée de ses deux enfants nus et de son bébé. Un pansement recouvre la main du nourrisson, mordu par un rat dans la nuit. Un autre portrait montre une jeune fille posant devant une porte, un ballon de football sous le bras et un canif dans la main. Les visages graves de ces femmes témoignent de vies où se mêlent indifférence, silence, fatalisme et angoisse, tandis que l’intensité de leurs regards traduit une forme de rébellion contre une société sicilienne machiste et réactionnaire. Sans chercher à travestir le réel mais avec pudeur, Letizia Battaglia documente la vie qui continue en marge des règlements de compte quotidiens. La photographe « n’invente pas d’histoires, elle les évoque3 », comme le souligne Paolo Falcone, auteur d’un ouvrage important sur son travail.

1 : Letizia Battaglia, citée dans Paolo Falcone (dir.), Letizia Battaglia. Anthology, Rome, Drago, 2016, n. p. (traduction de l’auteur).
2 : Letizia Battaglia, Franco Zecchin, Chroniques siciliennes, Paris, Centre national de la photographie, coll. « Photo Notes », 1989.
3 : Paolo Falcone (dir.), Letizia Battaglia. Anthology, op. cit., n. p. (traduction de l’auteur).

Vincent Raoul

 

Expositions

· Portraits et mise en scène. Fonds photographique de L’Imagerie, Saint-Brieuc, Centre départemental de documentation pédagogique (CDDP), 19 janvier – 25 février 2011
· 40 : 40e Estivales photographiques du Trégor, Lannion, L’Imagerie, 23 juin – 26 septembre 2018
· Scrabble, écho & baryté. Collections photographiques du Carré d’Art et de L’Imagerie, Lorient, Le Lieu de la photographie, 31 mai – 18 août 2024